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Alger refuse de s’y engager : les dessous de la coalition saoudienne

Graduating soldiers from the Saudi special forces' anti-terror unit demonstrate their skills in protecting VIPs under attack in Riyadh May 17, 2009. REUTERS/Fahad Shadeed (SAUDI ARABIA POLITICS) - RTXI8T2

Graduating soldiers from the Saudi special forces’ anti-terror unit demonstrate their skills in protecting VIPs under attack in Riyadh May 17, 2009. REUTERS/Fahad Shadeed (SAUDI ARABIA POLITICS) –

Annoncée par l’agence officielle saoudienne SPA, la création d’une coalition militaire de lutte antiterroriste, basée et dirigée par Riyad, a fait l’objet de plusieurs commentaires tant au niveau des pays musulmans qu’auprès de la communauté internationale.
Sans vouloir revenir sur ce qui a été détaillé par les médias cette semaine, attardons-nous sur les coulisses de cet événement important dans cette phase inédite de la «Global War on Terror» à un moment où ses principaux initiateurs américains semblent sur la pente glissante du désengagement. D’abord, qui a été sollicité et qui a été exclu de cette coalition ? Il ne faut surtout pas regarder ce groupe de 34 pays épars, membres de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) comme étant un bloc homogène. Il faut plutôt se tourner vers le passé récent pour appréhender cette structure qui est en pelure d’oignons.
L’Arabie Saoudite et le GCC étant le noyau dur et les faiseurs de décision de la coalition, avec comme seconde couche le GCC élargi aux royaumes plus modestes comme la Jordanie et le Maroc, voire à la Turquie, qui fournissent une certaine idée d’ouverture vers l’ensemble du monde arabe et islamique. Les fournisseurs de piétaille que sont l’Egypte, le Pakistan et le Soudan, le Maroc faisant aussi partie de cette catégorie. Enfin, le reste des pays africains vaguement musulmans et des pays asiatiques pour finir d’enraciner l’appartenance de cette coalition à l’OCI. Ne faisant pas partie de la liste, l’Algérie, la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan, pourtant principales nations victimes du terrorisme.
Piste
A leurs côtés, l’Iran, le Sultanat d’Oman comme principaux pays non-sunnites. Le premier groupe de pays qui ne participent pas sont ceux qui ont accumulé le plus d’expérience dans la lutte contre le terrorisme et qui, pour certains, ont réussi à le défaire ; le second groupe est voué à une annihilation totale en cas de réelle montée en puissance de l’Etat islamique. Pourquoi une liste aussi pléthorique et restrictive à la fois ? Me Abderrahmane Salah, avocat et analyste en défense et affaires internationales, nous livre une piste intéressante à étudier.
Selon lui, «cette coalition n’a aucune valeur et est appelée à disparaître très vite, car son but est de répondre à une guerre politique interne en Arabie Saoudite. L’arrivée au pouvoir du roi Salmane et son conflit ouvert avec l’ex-héritier du trône Mohammed Ben Nayef a tendu la situation entre le royaume et les Etats-Unis. Privilégiant Nayef pour la gestion du dossier du terrorisme, l’initiative du roi Salmane vient forcer la main aux Américains pour lui laisser les commandes totales au royaume. Des pays comme l’Algérie, l’Iran ne sont pas dupes du jeu dangereux auquel se livrent les Saoudiens.»
Moscou
D’ailleurs, la veille de l’annonce, Ramtane Lamamra, notre ministre des Affaires étrangères avait annoncé que l’Algérie n’allait faire partie d’aucune coalition militaire où que ce soit, en accord avec la doctrine de non-intervention de l’Algérie. Cette annonce vient renouveler celle faite lors du sommet de Charm El Cheikh présidé par l’Egypte et qui visait à créer une force militaire arabe chargée de la gestion des conflits et de la lutte contre le terrorisme.
Seconde hypothèse : la volonté de l’Arabie Saoudite de faire oublier son rôle dans le conflit en Syrie et en Irak et de cristalliser plus de forces autour de son action qui piétine au Yémen. L’offensive russe en Syrie et la guerre froide entre cette dernière et la Turquie en Syrie et en Irak a décomplexé Moscou qui n’hésite plus à détricoter les réseaux de soutien de l’Etat islamique. Troisième hypothèse : la volonté de Riyad de s’allier le maximum de pays pour sa guerre ouverte contre l’Iran et le chiisme. Qui seront les principaux gagnants de cette coalition ?
Turquie
En dehors de l’Arabie Saoudite qui s’érige en leader du monde sunnite, l’Egypte sera le principal bénéficiaire dans cette histoire avec, à la clé, 30 milliards de riyals en matériel militaire (soit 10 milliards de dollars) en provenance de Riyad et un approvisionnement gratuit en énergie pour les cinq prochaines années, le Caire rappelle plus que jamais à quel point elle est devenue un gouffre sans fond pour les finances saoudiennes.
Le Maroc aussi bénéficiera probablement d’aides militaires et financières. Idem pour les pays africains qui ont été cités dans la liste. Ils bénéficieront de formations et d’équipements militaires payés sur les deniers de la famille royale saoudienne. Pourtant, plusieurs pays semblent déjà se désolidariser de l’initiative ; le Pakistan se dit étonné de se retrouver impliqué sans avoir été consulté avant de revoir sa position, hier.
De son côté, la Turquie veut opter pour une participation civile, à l’instar du Liban qui a annoncé la même chose. Quels risques pour l’Algérie ? La décision algérienne de ne pas rejoindre la coalition saoudienne n’est pas venue du néant, elle a été moult fois répétée et est conforme à des principes constitutionnels connus. Riyad devait s’attendre à une telle décision qui ne risque pas trop d’affecter ses relations diplomatiques avec Alger.
Sur le plan de la lutte contre le terrorisme, l’Algérie œuvre à la sanctuarisation de son territoire et appelle à l’assèchement des sources de financement des organisations armées, mais surtout à la non-ingérence dans la souveraineté des pays. En dehors du risque terroriste classique, la non-participation de l’Algérie à cette coalition, ne risque pas de changer grand-chose, Alger étant déjà bien isolée dans la région.

Akram Kharief
in El Watan Weekend 18/12/2015

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