L’exercice militaire américain African Lion 2022 (qui en est à sa 18e édition cette année) a fait couler beaucoup d’encre depuis l’annonce de sa tenu du 6 au 30 juin. Pourtant cet exercice n’est pas ce que l’on pourrait croire malgré les 7500 soldats qu’il mobilise et la douzaine de pays qui y participent, c’est avant-tout un entraînement à coordination et au partage de bonnes pratiques sur un théâtre stratégique.
En dehors des cartes d’état-major, le déploiement des forces est assez timide, quelques MLRS (HIMARS), quelques chars Abrams, des exercices de ravitaillement aérien et du débarquement d’équipements dans le port d’Agadir. Un bon côté à retenir, des éléments du 56 eme bataillon médical multifonctionnel ( 56th MMB) et leurs homologues de la santé militaire des FARs apporteront une aide médicale aux populations de certaines régions isolées du pays. Autre exercice sympathique, la tournée du groupe musical de l’armée américaine “Free Groove” dans six villes du Maroc.
Encore une fois les médias marocains ont tiré profit de cet évènement pour faire passer quelques messages, comme par exemple celui de l’organisation d’une partie de l’exercice sur le territoire du Sahara Occidental. Comme l’année dernière, un entraînement conjoint est prévu dans le secteur militaire d’El Mahbes, qui est à cheval sur les territoires marocains et sahraoui. Comme l’année dernière cet exercice se déroulera au tour de l’aéroport de Zag, qui se trouve bien au Maroc. De l’aveu même du colonel Hicham Amrani, commandant des opérations dans la région, l’exercice a eu lieu à Greier el Bouhi, zone se trouvant à 40 km au Nord de la Frontière du Sahara Occidental. Deux exercices sont prévus dans cette zone, un premier qui combine un largage de troupes avec des tirs d’artillerie (HIMARS US et M-109 marocains), puis un exercice aérien avec tirs réels, intégrant des avions de chasse des deux pays et des hélicoptères d’attaque.
Autre polémique, alimentée par le côté, la participation israélienne à l’évènement. Selon l’organisateur qui est l’AFRICOM, il y a 13 (12 en retirant l’Espagne qui n’a pas répondu à l’invitation) pays participants et 27 pays observateurs (plus l’Union Africaine). Quid d’Israël dans la liste présentée par l’armée américaine, même dans celle des pays observateurs. Pourtant un dossier presse distribué lors de la cérémonie par les officiers de presse marocains avait ajouté le drapeau israélien sur la liste.
Concernant l’exercice en lui-même, un bac à sable montrant le déploiement stratégique des forces a été présenté très brièvement, lors de l’inauguration (et lors de la préparation en Italie une semaine auparavant), nous avons pu en reconstituer une grande partie que nous partageons avec vous.
Selon le Major Christopher Bradley, de l’armée de terre américaine, “Nous avons une carte qui ressemble fortement à la géographie de l’Europe et de l’Afrique du Nord, mais les frontières politiques et les situations sur la carte ne reflètent pas aucun conflit, politique ou situation actuels. Vous verrez des icônes bleues ou rouges, elles ne serviront qu’aux buts de l’exercice”.
Précisions officielles de l’armée US pour s’épargner le courroux de certains pays désignés comme ennemis (Algérie-Libye).
African Lion 22 a été divisé en trois parties, une au Sud du Sahara qui simule une extension de l’activité de groupes terroristes vers le Nord du Ghana et l’Est du Sénégal, deux pays participant à l’exercice, à partir de foyers au Burkina et au Mali. On parle de deux groupes de 200 terroristes environs avec la présence au Ghana de deux bataillons d’infanterie mec/mot et d’une brigade d’infanterie mec/mot, qui sont libellés neutres. C’est une constante dans African Lion, les forces supposées alliées locales (Maroc, Tunisie, Ghana) sont toutes considérées comme neutres, seules les forces anglo américaines sont actives. Les américaines déploient sur la carte une Security Force Assistance Brigade, qui est une brigade mixte composée d’un noyau de forces spéciales et d’une BTC (Brigade Combat Teams). En gros: trois équipes de formateurs/conseillers militaires, un bataillon d’artillerie, un de logistique, un du génie, deux bataillons de d’infanterie et une compagnie de six chars.
Ce premier exercice est en totale contradiction avec les propos du Major Bradley car il reflète de manière précise la réalité politique et sécuritaire de la région.
La seconde partie concerne la moitié Est du Maghreb, où l’on voit une unification des forces en Libye et une intrusion en Tunisie par le Sud. Les forces libyennes mobilisent un régiment de missiles Scud, deux régiments de missiles anti-aériens S-400, une compagnie de mercenaires (probablement Wagner), deux sous-marins, des régiments de support. L’invasion de la Tunisie se fait par une avancée d’une brigade d’infanterie motorisée (ou brigade combinée blindée infanterie). avec le support d’une seconde brigade au niveau de la frontière Tuniso-libyenne. Face à elle deux brigades (Neutres) et surtout la Special Operation Task Force Est (une brigade) et une Combined Joint Task Force (une brigade) comprenant des forces d’une coalition multinationale. Le rôle de cette simulation est de planifier une contre-attaque et une reprise du terrain conquis. Elle comprend aussi des opérations anti-sous-marines conduites par des P8 Poséidon américains à partir de l’Italie et probablement un débarquement de forces à Bizerte. Là aussi, nous avons beaucoup de similitudes avec le contexte politique et militaire actuel dans la région.
Enfin la troisième partie, qui est la plus intéressante et la plus intense, simule une invasion de l’armée algérienne du Nord du Maroc, avec une poussée vers le Sud, un regroupement de forces anglo-américain à Agadir et Casablanca et la préparation d’une contre-attaque.
Coté algérien une division et trois brigades avancent sur le Nord en direction de Rabat alors qu’un bataillon effectue une percée en direction d’Agadir. L’armée algérienne mobilise deux brigades et une division en réserve de son coté de la frontière.
Trois brigades marocains défendent le centre du pays, tandis qu’une brigade amphibie de marine est prépositionnée au large de Tanger et qu’un détachement de la sixième flotte menace Alger.
Les américains et les britanniques déploient deux brigades blindées à Casablanca et Agadir et se déploient dans le Rif pour bloquer l’avancée algérienne. Un sous-marin algérien qui couvre l’opération est confronté à la menace de P8 américains déployés en Espagne.
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