Dans le cadre de la révision constitutionnelle et la promesse faite par le Président Tebboune, le 3 mai dernier, de transmettre pour discussion le projet de révision de la constitution, de nombreux médias ont reçu aujourd’hui et diffusé, ce qui s’apparente à un brouillon dudit document avec de nombreuses propositions de réformes et d’amendements de lois.
D’ailleurs il est bien spécifié que le texte sera soumis à discussion et éventuellement à modification.
Ce qui est intéressant concernant le volet militaire est, pour la première fois, une proposition d’encadrement légale de l’envoi de troupes à l’étranger pour des missions militaires ou de maintien de la paix. La phraséologie utilisée est :
“Constitutionnalisation de la participation (militaire, Ndlr) de l’Algérie dans les opérations de maintien de la paix sous mandat de l’ONU”
“Constitutionnalisation de la participation (militaire, Ndlr) de l’Algérie (dans des opérations, Ndlr) de restauration de la paix dans la région dans le cadre d’accords bilatéraux avec les pays concernés”
“Article 95 (anciennement 91): parmi les pouvoirs du Président de la République, la décision d’envoyer des unités de l’armée à l’étranger après vote de la majorité du parlement par les deux tiers de ses membres”.
– دسترة مشاركة الجزائر في عمليات حفظ السلام تحت رعاية الأمم المتحدة
– دسترة مشاركة الجزائر في المنطقة على استعادة السلم في إطار الاتفاقيات الثنائية مع الدول المعنية.
المادة 95 (91 سابقا) من صلاحيات رئيس الجمهورية يقرر إرسال وحدات من الجيش إلى الخارج بعد مصادقة البرلمان بأغلبية الثلثين 3/2 من أعضائه.
Cet amendement de la Constitution s’il venait à être approuvé, permettrait d’enlever le flou artistique entretenu depuis deux décennies sur une supposée doctrine non-interventionniste de l’armée algérienne qui n’a jamais existé mais dont l’idée a été entretenue à des fins politiques compréhensibles.
Historiquement l’armée algérienne est intervenu dans de nombreux théâtres, sous différentes formes, pour faire la guerre, aider les gouvernements en place ou servir la paix.
Par exemple, l’armée algérienne a participé aux deux guerres israélo-arabes et à la guerre d’attrition. Elle a envoyé des troupes pour le maintien de la paix sous bannière de l’ONU au Cambodge et en République Démocratique du Congo.
En 1973, cet épisode est moins connu, l’armée de l’air algérienne avait déployé un escadron de Mig 21 à Benghazi en Libye pour permettre de protéger l’espace aérien libyen contre les incursions américaines, qui avaient succédé à l’expulsion de leurs troupes de la base aérienne de Wheelus. La marine algérienne avait déployé des patrouilleurs lance missiles OSA et un dragueur de mines. Quelques années plus tard la marine algérienne envoi des patrouilleurs en Mauritanie en proie à une guerre de la pêche avec l’Espagne.
En 1976,400 hommes de l’ANP sont dépêchés aux cotés des troupes syriennes au Liban pour faire cesser la guerre civile.Le terrible siège de Tell Zaatar de l’armée syrienne contre les forces progressistes et l’OLP,amène Boumediene à désengager l’ANP puis à accuser Damas d’agression (1)
A partir de 1975 l’Algérie avait engagé son armée dans un conflit de basse intensité contre le Maroc après la “Marche verte” en octobre 1975 et l’invasion, d’abord par des civils ensuite par l’armée marocaine, du Sahara Occidental. Les deux batailles d’Amgala, qui ont eu lieu à l’intérieur du territoire sahraoui en sont une preuve.
L’Algérie a connu une période de troubles internes pendant la décennie 90, qui se sont étendus au Grand Sahara et au Sahel pendant la première décade 2000, ce qui a mobilisé de manière intense l’armée algérienne à l’intérieur de ses frontières. Le déclenchement des révolutions Arabes et le basculement de régions entières dans la guerre civile (Libye, Syrie, Irak, Mali …), à partir de 2011, a largement alimenté une idée à l’intérieur de l’establishment politique, de l’existence d’un complot international. L’utilisation par les grandes puissances de proxys dans de nombreuses guerres, en particulier dans la région n’a pas aidé dans l’idée que l’Algérie ne devait pas envoyer de troupes à l’étranger au risque de servir involontairement des intérêts tiers et en payer le prix.
Pourtant, l’incendie était aux portes du pays, avec l’installation durable d’une insurrection militaire djihadiste dans le Sahel et en Afrique de l’Ouest et la prolifération de milices en Libye. L’Algérie paiera le prix de son inaction (militaire officielle) dans ces deux zones le 16 janvier 2013 après l’attaque du complexe gazier d’In Amenas, qui fera 67 morts et qui paralysera ce site stratégique pour l’économie algérienne pendant plus d’un an. L’attaque avait été planifiée au Mali et exécutée à partir de la Libye.
Cette attaque coïncidera avec l’AVC du Président Bouteflika qui perdra les commandes du pays et le duel latent entre les services de renseignements, dirigés par le Général de Corps Mohamed Medien (Toufik) et feu le Général de Corps Ahmed Gaid Salah qui était à l’époque Chef d’Etat-Major de l’ANP.
D’aucuns attribueront le manque d’entrain pour l’intervention à l’étranger à ce dernier qui avait tout de même deux circonstances atténuantes importantes: L’absence d’un Président chef des armées qui aurait pu donner l’ordre et une absence de renseignements sur le terrain à cause de la méfiance des deux camps. La situation durera jusqu’en avril 2019, malgré l’éviction du général Toufik en 2015 et la prise en main totale par l’armée de l’ensemble des pouvoirs.
L’élection présidentielle du 12 décembre 2019 puis le décès d’Ahmed Gaid Salah, ont rebattu les cartes surtout avec la promesse d’une réécriture de la constitution.
Aujourd’hui l’argument inventé d’une doctrine non-interventionniste de l’ANP, n’a plus lieu d’être et rien que l’évocation de cette possibilité est un changement radical dans la région et offre un nouveau levier à la diplomatie algérienne.
Sources: (1) Twitter @16Casbah Nicole Cerri “La politique extérieure de l’Algérie, 1962-1978”, Revue française de science politique, 1985
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