Les médias algériens ont très vite relayé l’information selon laquelle le sénateur américain Marco Rubio demandait à sanctionner l’Algérie pour son soutien à la Russie. En effet dans une missive adressée au ministre des Affaires Etrangères américain Anthony Blinken, le sénateur de Floride (Républicain) demande à ce que l’administration Biden (Démocrate) applique le train de sanctions CAATSA contre l’Algérie qu’il accuse d’acheter des armes à la Russie.
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“La Russie est le plus grand fournisseur militaire de l’Algérie. L’Algérie figure également parmi les quatre premiers acheteurs d’armes russes dans le monde, avec comme point culminant un contrat d’armement de 7 milliards de dollars en 2021. L’afflux d’argent vers la Russie, quelle que soit sa source, ne fera que renforcer la machine de guerre russe en Ukraine. Pourtant, les sanctions dont vous disposez n’ont pas encore été utilisées.”
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“Je vous encourage à prendre au sérieux la menace que la Russie continue de représenter pour la stabilité mondiale et à désigner de manière appropriée les parties dont les achats importants de matériel russe permettent les actions déstabilisatrices de la Russie.”
C’est en gros l’argumentaire utilisé par le sénateur pour demander une action de l’administration Biden à l’encontre de l’Algérie. Manque au tableau les preuves étayant le montant de ce “contrat” de 7 milliards (75% du budget du MDN en 2021, sachant que la Russie est loin d’être le seul fournisseur de l’Algérie), qui a eu lieu en pleine pandémie de Covid-19 à une période où le trafic maritime et aérien était en hibernation et la nature de ce “contrat”, car les sanctions CAATSA ne s’appliquent pas à tout et à n’importe quoi. Seules les armes stratégiques sont concernées à condition de prouver que la transaction se fait en dollars américains. Les renouvellements de flotte (Mig-29 M/M2 vs Mig-29 S par exemple) ou les pièces détachées ou munitions ne sont pas concernées.
De plus la loi CAATSA (Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act) existe depuis cinq ans, elle n’a jamais été appliquée à l’Algérie et en dehors de la Chine et de la Turquie comme mesure de représailles à l’achat de S-400, elle n’a jamais été appliquée à d’autres pays. L’Inde a même reçu une exemption en 2022 et d’autres pays ont préféré négocier ou ajuster leurs commandes afin de ne pas subir ces sanctions comme l’Indonésie et l’Egypte. Ce sont souvent des pays dont les armées sont bonnes clientes des Etats-Unis et qui ont pu bénéficier de packages avantageux en contre-partie.
Le cas de l’Algérie est différent, Washington et Alger entretiennent de bonnes relations politiques avec très peu d’achats par le MDN d’équipements américains, les deux pays ont une sorte de gentleman’s agreement voulant qu’Alger (qui est en passe de parachever la modernisation de son armée) se tourne vers d’autres fournisseurs pour ses achats stratégiques ou qu’il n’y ait pas d’utilisation abusive du dollar américain pour ses transaction. Ceci explique en partie l’augmentation des achats de grosses pièces navales de Chine ou d’Europe par l’Algérie.
Les positions de l’Algérie vis à vis de la guerre en Ukraine ont été équilibrées mais claires, retour à la paix, poursuite des bonnes relations avec la Russie sans prises de positions tranchées en sa faveur. La question du gaz en est un bon exemple.
Dans cette équation donc, l’Administration Américaine fait semblant et l’Algérie aussi, quant à Marco Rubio, il joue lui-aussi son rôle d’opposant et aussi de lobbyist avec son ami Ted Cruz au profit de la monarchie marocaine. Pour rappel le sénateur Cruz avait retardé de plusieurs mois l’installation de l’Ambassadeur Elizabeth Aubin à son poste à Alger en 2021. Les deux sénateurs Républicains étant eu des activités de lobbying au profit du Maroc à travers la société de Jeff Christopherson (chef de cabinet adjoint de Cruz) JPC Strategies qui avait perçu 455 000 dollars du MAE marocain.
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Peu de risques donc que la relation entre les Etats-Unis et l’Algérie se dégrade, malgré l’excellence de celle qui lie Alger et Moscou, la visite de courtoisie le 14 septembre dernier de l’ambassadeur Aubin au CEM Saïd Chengriha en est la parfaite illustration.
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