Le traditionnel positionnement pro occidental ou pro soviétique avait moins grandement influé sur la standardisation des armes individuelles dans les armées de la région (MENA) Moyen-Orient / Afrique du Nord, qu’en Asie du Sud, Amérique latine ou en Afrique Sub-Saharienne. Le duel FN-FAL/Ak47 ou M16/Ak47 ne s’est pas tellement fait sentir, du moins en Afrique du Nord, où les différentes variantes de la Kalashnikov dominent le marché, hormis la petite armée tunisienne qui a préférée le Steyr. Le Maroc par exemple, bien que traditionnellement anti-soviétique a préféré l’équivalent roumain de l’AKM47, le PM65, idem pour l’Egypte, qui malgré ses passages à vide avec Moscou a toujours opté pour Kalashnikov comme standard pour son armée.
Au Moyen-Orient, deux mondes s’affrontent, les pays du GCC qui ont été précurseurs dans la généralisation des dérivés du M16 et le reste des pays qui étaient plutôt enclins à préférer la rusticité et le prix concurrentiel du AK47. L’Irak, la Syrie, le Yemen, ont toujours été clients d’Izmach , l’armée libanaise elle voit cohabiter les fusils d’assauts occidentaux et russes.
Les guerres hybrides de Syrie, du Yémen et dans une moindre mesure de Libye ont été riche en enseignements pour les armées impliquées ou celles qui observent de loin les conflits. Elles ont permis de remettre au milieu des enjeux le fantassin, qui pour plusieurs armées arabes comptait peu face au rôle que jouait le blindé ou l’avion.
Premiers enseignements:
- Sur le champ de bataille hybride, la munition est rare et hétérogène: En Syrie, les rebelles et Daesh ont reçu des tonnes d’armes et de munitions de différents calibres, dont beaucoup d’armes occidentales. Des AK47 ou 74, des Famas, des VHS1, des HK G3 et quasi tous les dérivés du M16 ont été retrouvés aux mains des terroristes/rebelles tués ou capturés. Des calibres allant du 5.45×39 russe au 7.62×51 occidentale, en passant par les standards 5.56×45 et 7.62×39, cohabitaient sur le terrain, rendant très compliquée la récupération de munition chez l’ennemi en cas de besoin.
- La rareté de la munition a été compensée par les aides optiques: Si la majorité des pays de la région n’ont pas fait d’efforts pour généraliser l’utilisation des équipements optiques ou de pointage, les bandes armées en Syrie et en Irak en ont largement tiré partie ce qui leur a permis, surtout en environnement urbain, de gagner en précision et en parcimonie dans la consommation de munition.
- La puissance de feu n’est pas à négliger: Les armées syriennes et irakiennes, n’ont pas eu à regretter leur choix en terme de munition, bien que peu précise sur AK47 ou AKM, la 7.62×39 est beaucoup plus fatale ce qui joue un rôle déterminant dans ce type de conflit d’attrition. De l’autre coté, L’utilisation des munitions OTAN par les différents groupes armés; influe sur le morale général en augmentant les blessures et donc l’effort de guerre.
- Le conflit n’est jamais là où l’on crois: En Syrie, on a pu observer des brigades blindées entières se faire engloutir dans les faubourgs de grandes villes, ou les effets dévastateurs des SVBIED sur les points fixes ou les regroupements de troupes à terrain découvert. Le fantassin peut donc passer par des phases de combat d’intensité différentes et avec l’obligation d’utiliser son arme principale à la fois pour du CQB (combat rapproché) ou du tir de précision sur moyennes distances. Souvent il se retrouve dans un environnement qui met à l’épreuve ses équipements et n’a pas toujours le temps de le maintenir correctement. La robustesse et la fiabilité, mais aussi la légèreté, sont des atouts considérables en faveur de la survivabilité du fantassin.
Quels ont été les réponses des armées régulières confrontées à ce type de guerre?
Il aura fallu plusieurs années à l’Armée Arabe Syrienne pour constituer une force capable de “gérer” de larges groupes armés constitués en techno-guérillas et pratiquant la guerre asymétrique de haute intensité. Avec l’aide de la Russie, ils ont constitué la Brigade du Tigre, dont les soldats aguerris au combat se sont équipé avec des versions modernes d’AKMS, équipés de viseurs holographiques et avaient des capacités de vision nocturne, avec souvent, des lance-grenades d’appoint GP25. En Irak c’est la Golden Team de l’ISOF qui a fait face à l’avancée des milices de l’EI. Leur équipement est principalement américain, des M4A2 et des FN Minimi la plupart du temps.
Dans son conflit au Yémen, l’Arabie Saoudite a fait complètement basculer ses troupes sur HK G36 pour gagner à la fois en puissance de feu et en précision, avec des résultats assez moyens.
En Algérie, l’armée régulières ou les régiments parachutistes engagés dans la lutte anti-terroriste depuis 1992, sont toujours équipées de différentes versions d’AK et AKM, dont le Type 89, produit en Algérie sur la base d’AKM chinois Type 63. En dotation de base l’arme est dénuée d’optique ou de système de visée et n’est pas précise à plus de 100 m. Seules certaines unités spécialisées comme le 104 régiment de manœuvres opérationnelles, le détachement spécial d’intervention de la Gendarmerie Nationale ou d’autres groupes, sont dotés d’armes modernes. Idem au Maroc, même si ces deux derniers pays ne font pas face à une véritable techno-guérilla, ils n’ont pas encore mis le fantassin au centre de leurs préoccupations et ne l’ont pas encore doté en équipements modernes.
Le profil de l’arme idéale?
En nous basant sur le retour d’expérience au Moyen-Orient il est possible de dresser le portrait-robot de l’arme idoine pour ce genre de conflit.
Le fusil d’assaut optimal devra être
- Léger et peu encombrant
- Durable
- Très facile à maintenir
- Dont la munition sera la plus disponible
- D’une bonne précision au delà de 200 m
- D’une puissance de feu importante
- Versatile et compatible avec l’ensemble des types de combat
- Qu’il soit ambidextre (20% des soldats sont gauchers)
- Qu’il puisse prendre le maximum d’accessoires
L’idéal serait aussi que le fabricant de ce fusil produise aussi, pour des soucis de standardisation, les versions spécifiques qui équipent le peloton, comme le fusil mitrailleur, le fusil de précision et le lance-grenade.
A ce niveau d’exigence, les fournisseurs ne sont pas légion, il n’y a qu’à voir d’ailleurs l’appel d’offres pour le nouveau fusil d’assaut de l’armée française, on notera que quatre fabricants ont proposé des offres: Sig Sauer, HK, Beretta et FN Herstal.
Ce sont en gros les quatre meilleurs fabricants de la place.
Il est évidemment possible d’y ajouter Kalashnikov pour la Russie (ou ses dérivés, tchèques, serbes voir finlandais), FB (Ex Bumar) pour la Pologne, CZ pour la république Tchèque, VHS 2 (pour la Croatie) voir ce qui se fait aussi en Asie, comme à Singapour ou en Corée du Sud.
En respectant ce semblant de cahier des charges, il est difficile de garder Kalashnikov, dont le design, l’ergonomie, la précision n’ont que très peu évolué. Hormis peut-être le modèle de Kalashnikov-Israel, qui reste très encombrant, il n’y a pas de AK qui soit ambidextre par exemple.
Dans le lot, deux modèles se démarquent : Le Beretta ARX 160 et le FN SCAR
Ces deux armes peuvent êtres chambrées dans les deux calibres les plus communs et ce, directement sur le champs de bataille et sans outil pour l’ARX 160. Les deux ont des canons courts, des crosses pliables ou ajustables et sont en matériaux composites légers et solides. Ils sont parfaits pour les environnements salins ou désertiques. Ils font le bonheur des forces spéciales Américaines, pour le FN Scar, Italiennes et Égyptiennes pour l’ARX 160.
La version FN SCAR H et l’ARX 200 récemment dévoilé, sont le pendant Sharpshooter de ces armes et permettent à un membre du peloton de couvrir des cibles sur des distances entre 800 et 1000 m. Les deux sont chambrés en 7.62 x51 Otan, l’ARX 200 permettant même le tir en rafale se transforme en petite mitrailleuse au besoin.
Sans vouloir tomber dans l’excès de publicité pour ces deux modèles, il est possible de vanter les mérites du MSBS polonais, du Bren de CZ, du HK 416 ou du Sig 550, qui sont tous d’excellente facture mais qui ont du mal pour certains à se démarquer du design du M16 (qui a 40 d’age) ou qui sont resté à l’âge du métal au détriment des qualités susmentionnées.
Au delà du changement d’arme, c’est aussi un changement de doctrine, de formation, d’attitude face au soldat de base à inculquer aux armées de la région MENA. Sur ce plan il faut regarder de prés les efforts consentis par la petite armée jordanienne.
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