Trois ans et demi après le début du conflit de basse intensité entre l’Ukraine et la Russie, par populations interposées, l’Algérie continue à afficher une neutralité politique et diplomatique immuable. Gardant de bonnes relations avec Kiev et Moscou, l’armée algérienne semble vouloir ménager la Russie et garde ses achats ukrainiens au strict minimum.
L’Algérie a-t-elle fait une erreur?
Revenons un peu sur les effets directs et indirects qu’a eu cette guerre sur le marché mondial de l’armement. D’abord, le complexe militaro-industriel russe découvre la réalité e sa dépendance vis à vis de l’appareil industriel militaire ukrainien. L’intrication des deux industries est importante mais pas au point de miner complètement la production d’armes russes. La Russie perd momentanément ses capacités à produire certains types de moteurs pour hélicoptères et avions, des turbines pour les navires ou à maintenir certains types d’avions de transport, mais pas que, beaucoup d’intrants industriels comme les câbles ou les peintures étaient achetées en Ukraine. En tout avant guerre la Russie importait 700 équipements et composants de son voisin directe.
Pis encore la Russie se voit sanctionnée par de nombreux pays occidentaux et perd l’accès aux technologies sensibles comme l’optronique ou l’avionique qui sont parfois intégrés pour les besoins de la Russie ou de ses clients. Dans ce cas précis, ce sont 860 équipements et composants qui étaient importé des différents pays de l’OTAN pour les besoins du complexe militaro-industriel russe.
L’impact sur l’Algérie n’a pas été négligeable car de nombreux équipements militaires algériens comportent des composants ukrainiens, presque 200 hélicoptères y compris ceux reçus il y a un ou deux ans (Mi 26) ont des moteurs produits par Motor Sich en Ukraine. La centaine de chasseurs et bombardiers Mig et Sukhoi qui volent pour les forces aériennes algériennes tirent des missiles R27.
Ceci dit la Russie a lancé un vaste plan pour combler ses lacunes à l’horizon 2022 et cela impactera aussi l’industrie biélorusse traditionnel fournisseur du VPK russe et qui devra trouver de nouveaux financements et de nouveaux débouchés financiers pour poursuivre ses efforts de recherche et développement.
De son coté l’Ukraine souffre d’un énorme effort de guerre et d’une perte de débouchés mais aussi de fournisseurs, car la Russie fournissait directement l’armée et l’industrie ukrainienne. Des milliers d’équipements ukrainiens souffrent de ne pouvoir êtres maintenus. Sans parler des pertes financières énormes qui ont directement touché l’appareil de production et de R&D ukrainien. Néanmoins, Kiev (comme Moscou d’ailleurs) a su remonter la pente grâce à la recherche de partenariat avec des nations pressées d’accéder à la technologie ukrainienne, elle même héritée de l’appareil militaro-industrialo-scientifique soviétique.
Cela passera par un marketing plus agressif et une présence des différents organismes de promotion de l’industrie militaire ukrainienne (Ukroboronprom, Ukrainmash, Spectexnaexport…) dans l’essentiel des salons militaires mondiaux et surtout par la signature d’accords avec des Etats demandeurs de technologie comme la Turquie, l’Arabie Saoudite ou la Chine.
Si l’Algérie a su maintenir un équilibre diplomatique et de bonnes relations avec le deux belligérants, elle aurait peut-être dû saisir l’occasion de l’offre technologique ukrainienne demandeuse de plans de charges et de financement.
La Chine a largement bénéficié de l’apport technologique ukrainien dans le domaine de l’aviation, il n’y a qu’à voir la forme des nouveaux appareils de transport chinois qui sont fortement inspirés des appareil d’Antonov. Mieux, la Chine a acheté il y a un an les plans pour ressusciter le super cargo d’Antonov AN 225 Mriya et le produire localement. Pareil pour le petit AN 178, qui sera produit en Chine par une petite entreprise locale avec l’aide technologique ukrainienne.
Autre pays en plein boom dans l’industrie militaire et qui a largement bénéficié de la technologie ukrainienne, la Turquie qui affiche un niveau de coopération industriel exceptionnel avec les autorités de Kiev. On retrouve l’empreinte technologique ukrainiennes dans l’aéronautique, les communications et les blindés. C’est même l’Ukraine qui est entrain de sauver le projet de char Altay qui a subi une impasse technologique dans le domaine de la motorisation.
Plus proche de nous, l’Arabie Saoudite en guerre chaude au Yémen et froide avec l’Iran, est entrée dans le cercle fermé des constructeurs d’avions avec l’achat d’une ligne de montage d’avions Antonov 132 qui serviront comme avions de transports moyens et de guerre électronique. Mieux l’Arabie Saoudite finance directement le développement d’un missile balistique à courte portée le Grom 2 qui est l’équivalent ukrainien de l’Iskander.
Drones, avions de transports, missiles, radars, équipements d’écoutes, les ukrainiens sont actuellement un des pays les plus agressifs au monde en termes de transfert de production et de technologie, ce serait bête de s’en priver.
D’autant plus que l’Algérie s’est lancée dans un audacieux programme industriel avec une vision à long terme et que son principal partenaire la Russie, n’est pas spécialement (pour des raisons objectives et compréhensibles) un chantre de la délocalisation ou du ToT.
Sources:
http://eng.globalaffairs.ru/number/Russian-in-Place-of-Foreign-18590
http://www.ainonline.com/aviation-news/defense/2016-02-17/prc-military-continues-depend-ukrainian-defense-technology
http://defence-blog.com/news/saudi-arabia-to-buy-new-ukrainian-made-grom-2-tactical-missile-systems.html
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