Note de MENADEFENSE:
Pourquoi une guerre aux confins du monde? Pourquoi une guerre dont on ne parle pas à la télévision? Pourquoi, alors que la Libye, l’Irak et la Syrie sont à feu et à sang, faut-il s’attarder sur un conflit aussi marginal?
Les médias mainstream n’ont jamais été une référence historique pour la documentation de conflits stratégiques, n’ayant jamais de recul, ce type de médias n’a aucun moyen de monitorer sur le long terme des guerres de faible intensité surtout si ce type de conflit a une profondeur, ethnique, religieuse, géostratégique et historique.
Le cas du Nagorni-Karabagh (j’ai toujours utilisation Soviétique une réminiscence des infos de la télévision algérienne probablement) est étonnant. Une région stratégique qui représente l’aboutissement de la route de la soie, le croisement des gazoducs et des oléoducs, l’entrecroisement de plusieurs cultures et religions (Chiisme, Sunnisme, Rite Orthodoxe Arménien ..) et une fine frontière entre des puissances régionales, bâties sur les ruines d’anciens empires (Turquie, Iran, Arménie, Russie). Le Haut Karabagh ou la montagne du jardin noir si l’on traduisait le sens du nom, est considérée comme étant une terre importante pour les Azéris et le berceau véritable du peuple arménien. Séparée de l’Arménie sur ordre de Staline, alors Commissaire aux Nationalités, probablement pour faire préserver les relations avec un Mustapha Kemal qui s’imposait dans la région. Mais ce que peu de gens savent, c’est que c’est probablement le début des troubles dans le Haut Karabagh, vers 1987, qui a précipité l’envoi de troupes soviétiques et qui a été l’étincelle qui mènera à la chute de l’Union Soviétique.
La guerre qui durera entre 1990 et 1994 aura entrainé la mort de 20 000 personnes dans les deux camps et des dizaines de milliers de déplacés et n’aura jamais abouti à autre chose qu’à un cessez-le feu armé qui se transformera peu à peu en une guerre froide sourde.
La guerre au Proche-Orient montre bien à quel point l’Asie Mineure est en passe de devenir une poudrière, rien qu’à voir l’engagement d’hommes armés provenant de cette large région. Le retour sur le devant de la scène de la Russie, le Pantourisme assumé d’Erdogan, l’Iran défenseur armé du Chiisme dans le monde, risque de soulever un vent qui attisera la braise dans le Caucase.
L’offensive azérie d’avril 2016, est venue rappeler que la guerre entre l’Azerbaïdjan et le Nagorno Karabakh, république autoproclamée du Caucase, peut reprendre à tout instant. Une année après cette attaque, les tensions persistent entre les deux belligérants.
Tarek Hafid, correspondance spéciale, Nagorno-Karabakh
Stepanakert, capitale du Nagorno Karabakh. Direction le nord-est vers la zone de contact avec l’Azerbaïdjan. Askeran, Nor Maragha, Mardakert… les villages habités défilent. Il faut un peu plus d’une heure et demie de route dans cette zone steppique pour rejoindre une des bases principales du commandement des forces armées du Haut-Karabagh.
Les instructions des guides sont strictes : « pas de photos d’officiers, de snipers, de matériels de transmissions. Pas de plans larges. Interdiction de citer le code de la caserne. Eteignez la géolocalisation de vos smartphones ». Le groupe de visiteurs- composé de journalistes et de blogeurs de divers pays- sont également tenus de porter casque et gilet pare-balles. Les moyens de protection sont remis directement par des soldats regroupés dans une des cours de la caserne.
Pas de surprises, l’armement et le matériel des soldats du Haut-Karabakh sont identiques à ceux de toutes les armées de l’ancien bloc soviétique. Les mythiques UAZ-469 sont d’ailleurs là pour nous le rappeler. C’est à bord de ces tout-terrain que se fera le trajet jusqu’aux postes avancés. Le convoi s’engouffre dans un dédale de larges tranchées. « Ce système a été construit par des unités du génie militaire juste après les affrontements d’avril 2016 », explique Serguei, un de nos guides.
Le blogeur Karabaghi connaît parfaitement le conflit qui oppose les deux parties. « Notre armée se contente de défendre notre territoire. Mais la logique de l’Azerbaïdjan est toute autre puisque qu’il envoie des commandos pour tuer des civils et des militaires ». Selon lui, c’est précisément ce qui produit entre le 1er et le 4 avril 2016, lors de la vaste offensive azérie. Le bilan de la « guerre des 4 jours » n’est pas précis- les deux belligérants se livrant également une guerre des chiffres- mais l’objectif fixé par l’état-major de azerbaïdjanais de reprendre une grande partie du territoire perdu au milieu des années 90 n’aurait pas été atteint. Au terme des affrontements, les responsables politiques du Karabakh ont annoncé la perte de « 800 hectares de terre sans importance stratégique ».
A Talysh, précisément, les traces des combats de l’année dernière sont encore visibles. Les murs d’une maison et une voiture ont été touchés par un missile Grad tiré par les Azéris. Selon la presse locale, les dernières tentatives d’infiltrations de commandos azerbaïdjanais datent de février dernier. Dans la nuit du 25 février dernier, une quinzaine d’entre eux auraient été tués sur la zone de contact, dans la région d’Aghdam.
Depuis le cessez-le-feu de 1994, à l’exception de la vaste offensive d’avril 2016, le conflit entre les deux parties est surtout mené par les snippers. Pour les soldats Karabaghis et Arméniens (ces derniers constituent 30% des troupes postées sur la zone de contact), les pires ennemis sont le fusil de précision russe SVD Dragunov mais surtout l’Istiglal, un fusil anti-matériel calibre 14,5. L’Istiglal (indépendance) a été développé en 2008 par un groupement industriel relevant du ministère de la Défense de ce pays. Chaque année, les tirs de snipers causent la mort d’une trentaine d’hommes des deux camps.
La menace balistique est donc bien réelle. Les officiers en charge de la visite le rappellent aux visiteurs du jour dès l’arrivée au poste avancé. La structure de bois et de métal est construite à flanc de colline. Il faut passer par une série de corridors et d’escaliers pour atteindre les postes d’observation. Ordre est donné de ne pas approcher de certains d’entre eux, car minés.
Un autre poste doté d’une étroite meurtrière offre une vue panoramique sur le No man’s land qui sépare les deux parties. En arrière-plan, apparaissent les premières casernes d’Azerbaïdjan. « C’est la ville de Tap Qaraqoyunlu », relève le commandant du poste avancé. Les soldats de faction doivent assurer des tours de garde de 4 heures pour assurer les missions d’observation et de riposte. Chrétiens apostoliques, les Karabaghis et les Arméniens sont très religieux. Croix et icones sont posées à plusieurs endroits. L’armée du Haut-Karabakh est composée de soldats contractuels et d’appelés du contingent. L’intégration de volontaires est également acceptée.
Retour au commandement des unités du Nord. Le commandant de la base, un colonel âgé de 37 ans qui cumule 20 ans de services, s’apprête à animer une conférence de presse. « Vous pouvez poser toutes les questions, le colonel est là pour répondre », indique un accompagnateur. Peu habitué à ce genre d’exercice, l’officier se contente de quelques répliques sur le niveau de la menace (qu’il situe dans la catégorie médium), de l’utilisation des drones par la partie adverse ou encore du nombre de femmes en poste au sein de cette caserne (elles sont 14). Mais rien de concret sur l’aide militaire fournie par le gouvernement arménien et encore moins sur les effectifs affectés à la protection des frontières Nord du Haut-Karabakh.
Il indique cependant que la situation peu très vite dégénérer, les hostilités pouvant reprendre « en 20 minutes ». « La guerre de 4 jours est venue nous rappeler ce pour quoi nous sommes ici », lâche-t-il comme pour mieux justifier son engagement personnel et la présence de l’armée du Nagorno-Karabakh sur la zone de contact.
T.H.
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