Que s’est il passé dans la tête des membres du National Conventional Arms Control Committee (NCACC), pour décider de suspendre les exportations d’armes vers de nombreux pays arabes, principalement l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, Oman et l’Algérie?
Cet organisme qui dépend du parlement sud-africain et qui accorde les licences d’exportations aux entreprises locales d’armement et de technologies militaires, a décidé le 22 novembre dernier de suspendre les exportations d’armes vers l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis, la cause étant une clause contractuelle permettant à l’organisme d’effectuer des inspections inopinées chez le client pour s’assurer qu’il n’y a pas eu de réexportation vers une tièrce partie ou de tentative de copie locale de la technologie sud-africaine.
A third of all SouthAfrica's arms exports go to Saudi Arabia and UAE. Those deliveries are now on hold. Companies warn of lost revenue and job cuts in an industry already on the rocks. My story with @winning_alex https://t.co/PLzZ6LgMLa
— Joe Bavier (@JoeBavier) November 23, 2019
Des officiels de plusieurs grands groupes d’armement sud africains, dont le consortium semi publique Denel, et Rheinmetall Denel Munition (RDM) ont déclaré hier à Reuters que le refus des deux pays arabes d’appliquer cette clause a provoqué un refus systématique de licences d’exportations depuis mars 2019.
Un troisième grand groupe privé, probablement Paramount, a aussi fait part de difficultés à exporter vers la région qui représente le plus gros volume d’exportation pour l’industrie sud-africaine d’armement.
L’Arabie Saoudite et les Emirats représentent un tiers du volume des exportations d’armes de Prétoria. Riyadh, en pleine guerre au Yémen dépend grandement de l’approvisionnement en munitions de l’Afrique du Sud. Les Emirats quant à eux ont été une bouffée d’oxygène pour la recherche et développement pour les entreprises sud africaines en finançant de nombreux projets dans les tiroirs depuis des années et en intégrant les sociétés privées et publiques sud africaines dans le complexe militaro-industriel naissant aux Emirats.
A titre d’exemple, l’ensemble des missiles produits aux Emirats sont sur la base de technologies sud africaines, même chose pour les engins blindés dans la région qui sont le fruit de l’expérience sud africaine en la matière.
Cette décision impactera lourdement l’industrie de défense émiratie et les différents projets liant des entreprises comme Nimr et Tawazun qui fabriquent de nombreux systèmes et véhicules blindés en commun. Ainsi que les projets saoudiens dans le domaine de la fabrication militaire. Le 8 novembre dernier la Saudi Arabian Military Industries (SAMI), avait mis sur la table un milliard de dollars pour prendre 49% de Rheinmetall Denel Munition (RDM), fabricant d’obus et de munitions de petit et moyen calibre et faire un transfert de production vers l’Arabie Saoudite.
Une semaine plus tard, des officiel de Denel avaient été accusé d’avoir fait fuiter des informations confidentielles vers l’Arabie Saoudite en se faisant recruter par la SAMI. Ces révélations avaient provoqué l’ire du président sud africain Cyril Ramaphosa, qui avait instruit la Special Investigating Unit (SIU), afin d’enquêter sur ce que le président a nomma une “faille de sécurité majeur contre la République”.
Contacté par nos soins, Darren Olivier, spécialiste de la défense et de la sécurité en Afrique du Sud a commenté cette décision comme étant à reconsidérer par ses autorités. “S’il est nécessaire que l’Afrique du Sud mette en place des mécanismes pour empêcher le détournement d’armes exportées au profit de tiers, à la fois en raison de ses lois nationales et de la ratification du Traité sur le commerce des armes, il n’est pas clair que l’application d’une obligation stricte de non-notification sur place doit nécessiter l’inspection des sites militaires d’un client pour atteindre cet objectif, et peu de pays, voire aucun, ne seraient disposés à accorder ce niveau d’accès de leurs sites les plus sûrs et les plus stratégiques aux inspecteurs sud-africains qu’ils ne pouvaient pas contrôler. C’est un problème, mais c’est quelque chose qui peut tout aussi bien être contrôlé par d’autres méthodes de renforcement de la confiance et par le refus d’exportations futures à destination de tout pays dont il a été prouvé qu’il avait réexporté illégalement des armes ou les avait utilisées de toute autre manière en violation des accords convenus. l’Afrique du Sud doit repenser cette disposition. ”
Selon les sources sud africaines de Reuters, Oman et l’Algérie ont aussi vu leurs importations d’armes suspendues après qu’elles n’aient pas répondu aux sollicitation d’inspection de la NCACC.
L’Algérie fut un grand acheteur d’équipements militaires sud africain durant les années 90 et jusqu’au changement de chef d’Etat Major. Le précédent, Mohamed Lamari avait une relation personnelle particulière avec Nelson Mandela, dont il fut l’instructeur militaire en 1962, cette amitié a débouché sur un accord de défense signé au début des années 2000 et une grande coopération.
Aujourd’hui, les achats d’armes sud africaines par l’Algérie se limitent aux missiles qui équipent les hélicoptères, les missiles anti aériens qui sont sur les frégates Meko et quelques bombes guidées.
Parfois, l’Algérie a recours aux technologies sud africaines en passant par d’autres pays comme les Emirats ou l’Ukraine, comme ce fut le cas pour la rénovation des hélicoptères Mi 24 MKIII algériens qui a eu lieu en Ukraine il y a trois ans mais qui avait impliquée des ingénieurs sud africains et des équipements de ce pays.
Commentaires Recents