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Mark Greaney: un "Maître espion" à Alger

20141106_093014Invité par les services culturels de l’ambassade des Etats-Unis à Alger pour participer au Salon International du Livre d’Alger et partager son expérience d’auteur, nous avons pu avoir un aparté avec Mark Greaney, auteur de livres d’espionnage. Il aura à son actif une série d’ouvrages co-écrits avec le maitre absolu du techno-thriller Tom Clancy et sa propre série de livres dont le premier s’intitule The gray man. Il a été classé auteur N°1 par le New York Times. Son œuvre est en cours d’adaptation au cinéma.

AK : Pourquoi un pays comme l’Algérie, avec une histoire aussi riche et qui a fait face à des événements terribles, est si rarement présent dans votre genre littéraire ?

Mark Greaney : Je ne peux pas parler au nom des autres auteurs, je n’ai pas une connaissance approfondie de l’Afrique du Nord. Mon unique référence sur l’histoire contemporaine de l’Afrique du Nord est un livre que je viens de lire « 30 heures après Benghazi », ainsi qu’un roman que je considère comme un des meilleurs que j’ai lu sur l’Egypte « Lie down with lions ». Ce livre évoque des événements qui ont eu lieu pendant la Seconde Guerre mondiale. Concernant l’Algérie il y a ce film monumental, que j’ai dû revoir trois fois, qui est « La bataille d’Alger ».

 

Pour tout vous dire, j’ai reçu un email un vendredi soir de la part d’un contact au Département d’Etat pour me demander si j’étais intéressé par une visite en Algérie. Il ne me laissait que jusqu’à dimanche pour confirmer. Généralement, je ne fais rien sans l’approbation de mon éditeur. Mais je n’ai pas pu le contacter. Le dimanche matin, j’ai répondu par l’affirmative, tout excité par l’idée d’une merveilleuse aventure dans ce pays.

 

J’ai pour habitude de dire aux gens : « toutes les choses que je fais, finissent dans mes ouvrages ». Donc l’Algérie aura peut-être sa place.

 

AK : Votre premier roman est en cours d’adaptation au cinéma. Ne pensez-vous pas qu’Hollywood n’est pas le meilleur miroir pour votre genre de littérature, spécialement avec la révolution que connait la télévision qui gagne en moyens et en qualité depuis peu ?

 

MG : Il y a beaucoup d’enthousiasme avec ce qui se passe avec la télévision ces temps-ci. Au contraire, le cinéma déçoit de plus en plus de personnes et semble ne pas répondre à leurs attentes. Il est devenu très difficile pour un film de réaliser ses objectifs dans le marché domestique (aux Etats-Unis) à cause notamment de la chaine Netflix qui permet aux gens de regarder de bons films à la maison. Cela affecte les entrées en salles.

 

Les studios se mettent donc à cibler les nouveaux marchés émergents à fortes populations comme la Chine ou l’Inde. Pour marcher, cela implique que les films doivent plaire à une audience plus large et plus diversifiée qu’auparavant. Il faut donner la part belle à l’action et à l’image et c’est la littérature qui paye le prix fort.

 

A contrario avec la télévision il y a plus de temps pour raconter des histoires et de façons plus profondes. J’ai quand même vu pas mal de bons films dernièrement, il ne faut pas enterrer le cinéma, de plus je suis assez mal placé pour critiquer Hollywood alors que j’ai une adaptation en cours. Qui sait, dans deux ans, j’aurais la satisfaction ou la déception de ma vie à la sortie de « The gray man ».

 

AK : Allez-vous continuer à écrire des romans sous la franchise Tom Clancy ?

 

MG : Je n’ai plus de contrat me liant aux ayant-droits de Tom Clancy. Je leur ai proposé d’écrire une suite pour Noël, ça n’a pas encore été décidé, mais intérieurement j’ai décidé de le faire. De toute façon, nous finissions généralement par décider en début d’année de programmer un livre pour les fêtes. Mais même si je ne suis pas encore sûr, je serai vraiment heureux de pouvoir le faire. J’aime les personnages et les intrigues géopolitiques qui tournent autour d’eux.

 

 

AK : Si c’est confirmé, ce sera un Ryanverse ou plus un techno-thrilller géopolitique ?

 

MG : J’ai écrit un livre qui sortira cet été, appelé « Support and defend » qui tourne autour d’un personnage de l’univers de Jack Ryan, mais qui n’évoque pas les Ryan directement. Les lecteurs, pour la sortie de Noël, se sont habitués à suivre l’évolution du père et du fils Ryan. C’est devenu une sorte de label très attendu. Cela reste très géopolitique tout en gardant ce lien avec les Ryan.

 

AK : Allez-vous poursuivre la série des « Gray man » ?

 

MG : Je dois en faire deux supplémentaires. Je travaille actuellement sur le cinquième, il sortira probablement en novembre prochain et un sixième un an après.

 

AK : Vous n’avez pas été militaire, vous êtes plutôt diplômé en relations internationales, que pensez-vous du phénomène « Daesh » ?

 

MG : D’un point de vue de citoyen Américain, je trouve que beaucoup de gens ne regardent pas de près ce qui se développe au Moyen-Orient et en Syrie, plus spécialement. Je ne sais pas si c’est un échec des services de renseignements ou un échec politique. C’est une organisation horrible, qui a grossi exponentiellement. Mais malheureusement, les informations télévisées aux Etats-Unis ne parlent pas toujours des choses importantes. Notre pays a besoin d’une population qui soit au courant de ce qui se passe pour qu’elle transmette ses préoccupations aux politiques. Aussi tragique que soit la disparition d’un avion en Indonésie, il aura occupé six semaines dans les médias américains et pendant ce temps les effectifs de « Daesh » ont explosé sans que personne n’en parle. C’est surprenant pour une personne comme moi, qui travaille à proximité du monde du renseignement, de voir une telle organisation apparaitre et grossir de la sorte.

 

AK : Quelles sont, selon vous, les solutions du gouvernement US pour contrecarrer « Daesh » ?

 

MG : Je pense globalement que nous faisons les bonnes choses. Toutes les discussions tournent autour du fait d’envoyer des troupes au sol ou pas. Personne ne semble le vouloir.  Mais il en faut si peu pour convaincre l’opinion d’intervenir. Voir ses concitoyens se faire décapiter ou regarder les atrocités qui se sont déroulées au mont Sinjar ne passera pas sans effet.

 

AK : Pensez-vous que la nouvelle génération est encore intéressée par votre univers littéraire ?

 

MG : Toute belle histoire évoquant la condition humaine, que ce soit dans le thriller, la science-fiction ou l’héroïque et le fantastique aura l’attention méritée si elle est bien racontée. D’un autre côté, les Américains suivent les tendances. Si les vampires sont à la mode, tout le monde s’y mettra. Mais il y a quelque chose de très constant avec l’espionnage, depuis plus de 100 ans le genre a toujours subsisté. J’ai du mal à le voir disparaitre. La politique, les affaires géopolitiques et militaires intéressent de plus en plus de gens. Malgré les autres modes et tendances, l’espionnage reste un genre très permanent.

 

AK : Pour en revenir à l’Algérie, quelle était votre perception du pays avant votre voyage ?

 

MG : Comme je vous ai dit, j’ai été très influencé par la Bataille d’Alger. C’est, selon moi, un document de premier ordre sur les mouvements insurrectionnels et le colonialisme. En le regardant, vous pouvez très bien transposer l’histoire au Viêtnam ou en Irak. Ce film ne m’a malheureusement pas donné de grands enseignements sur la culture algérienne, mais ce fut globalement ce qui constituait la perception que j’ai eu de ce pays avant d’y arriver.

in Impact24

http://www.impact24.info/mark-greaney-maitre-espion-alger/

 

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