A l’occasion de la grand-messe de l’énergie nucléaire, Atomexpo, qui a eu lieu à Moscou entre les 30 mai et 1er juin dernier, les promoteurs de ce type d’énergie ont eu l’opportunité de s’exprimer sur la question de la place du nucléaire dans le contexte énergétique et environnemental global.
Et il ne faut surtout pas se tromper, beaucoup d’écologistes ont participé aux travaux des commissions, estimant prépondérante la place du nucléaire, dans le mix énergétique «vert», à mettre en place pour coller aux recommandations de la COP21. Car deux contraintes immenses s’opposent lorsqu’il s’agit de se conformer à l’objectif des 2°C de la COP21 : réduire au maximum les émissions de gaz à effet de serre et garantir la croissance mondiale en fournissant autant, si ce n’est plus d’énergie.
Selon les experts présents à Moscou, la faille, qui existe dans le modèle des énergies renouvelables, réside dans l’incapacité de stocker l’électricité, mais aussi la quasi incapacité d’assurer une production régulière et maîtrisée d’électricité. La panacée serait donc, selon les partisans du nucléaire, la production d’énergie atomique comme épine dorsale d’un mix énergétique comprenant le solaire, l’éolien et le géothermique, la raison étant le fait que les centrales nucléaires de production d’électricité n’émettent que de la vapeur d’eau.
L’agence nucléaire russe Rosatom, organisatrice de l’événement, a, par le biais de son présidentp Sergueï Kirienko, révélé que la production d’électricité nucléaire en Fédération de Russie a permis d’économiser chaque année 13 millions de tonnes de CO2 de rejets dans l’atmosphère, soit l’équivalent de six ans de rejets du parc automobile. Mieux, selon le président de Rosatom, l’amont de la chaîne logistique est très réduit, car le minerai d’uranium a pour caractéristique un rendement exceptionnel «de l’ordre du million de fois plus que le pétrole. Un gramme d’uranium produit autant d’énergie qu’une tonne de pétrole», affirme Kirienko.
Que des avantages donc ! Certainement pas, avouent les experts, y compris ceux faisant partie du club atomique. Déchets imprévisibles, impossibles à traiter, difficiles à stocker, mesures de sécurité draconiennes, prix excessif des installations, sans oublier le spectre de l’incident, voire de l’accident nucléaire. «Le Japon a perdu en quinze jours 100 milliards de dollars, uniquement sur l’accident de Fukushima. Et encore, il n’y a pas eu de morts et certaines sécurités ont malgré tout fonctionné», nous explique un expert, en marge du congrès.
Mohamed Amimour, expert algérien en changements climatiques et en développement durable, y voit une raison valable pour avoir une vision régionale et non nationale dans l’«apprivoisement» de cette énergie. «La mutualisation entre les pays d’une région des investissements dans le nucléaire est non seulement rentable économiquement, mais permet une approche plus saine dans la prévention d’incidents», explique-t-il.
L’Algérie futur acteur nucléaire ?
Bien qu’invités à Atomexpo, aucun officiel algérien n’a pris part à l’événement, ce qui ne fut pas le cas des Egyptiens et des Jordaniens qui ont envoyé des délégations de rang ministériel et dont les cadres ont animé des conférences. En off, des officiels russes déplorent la lenteur algérienne dans la prise de décision. «Bien qu’il y ait un accord nucléaire qui lie la Russie à l’Algérie, nous n’avons reçu aucune commande, pas même des demandes exploratoires concernant la vente d’une centrale nucléaire au profit du Comena ou du gouvernement algérien pour le moment.»
Officiellement, Sergueï Kirienko a réaffirmé la volonté de Rosatom de répondre favorablement à toute sollicitation algérienne dans le domaine, qu’il était prêt à poursuivre la coopération dans les domaines de la formation et de la recherche. La Russie accueille d’ailleurs déjà des doctorants algériens dans l’institut MEPHI qui sont spécialisés dans la recherche. Il est utile de rappeler que l’Algérie fut pendant les années 1980 une nation pionnière dans le nucléaire, avec deux réacteurs de recherche, un à Alger et un à Aïn Ouessara, ce sont deux générations de chercheurs qui sont passées par-là.
L’Algérie dispose aussi d’une des plus grosses réserves prouvées d’uranium au monde. Selon un expert algérien en énergie, cette hésitation à franchir le pas relève d’un profond problème de gouvernance : «Même si demain l’Etat décide que le mix énergétique sera de 1% de renouvelable, 1% de nucléaire et 98% de gaz, ce sera déjà un bon départ, vu qu’aujourd’hui il n’y a aucune véritable vision d’un mix énergétique équilibré. Cette histoire d’arriver à 27% en renouvelable relève, jusqu’à preuve du contraire, de la fable.»
La situation dans le Monde Arabe
Aujourd’hui, les Emirats arabes unis sont le premier pays de la région à avoir franchi le pas en commandant quatre unités de production électrique de 1400 Mw chacune, qui produiront à l’horizon 2020 le quart de l’énergie des émirats. L’Egypte est aussi en passe de commencer les travaux de construction de sa centrale d’une capacité équivalente à celle des Emirats.
Idem pour la Jordanie, qui est aujourd’hui sur le point de finaliser un deal atomique et passer d’un statut d’importateur pur à celui de producteur proche de l’autosuffisance énergétique. Le défi de la sécurité étant plus grand en Jordanie qu’ailleurs en l’absence d’accès à la mer où à des nappes aquifères de grande capacité. Le Soudan, le Maroc et l’Arabie Saoudite seraient aussi sur les starting-block et franchiront probablement le pas les prochaines années.
En mai 2016, 30 pays à travers le monde opèrent 444 réacteurs nucléaires produisant de l’électricité, 63 nouvelles centrales sont actuellement en construction. Alors qu’il y a dix ans, les Etats-Unis, la Russie et la France représentaient 75% du parc nucléaire mondial, on assiste à l’avancée de pays émergents dans le domaine, sachant que les trois-quarts des nouvelles centrales en construction sont destinés à de nouveaux pays nucléaires.
VVER 1200 : Une nouvelle génération de centrales atomiques
La petite ville de Novovoronezh est une véritable atomic city. Depuis l’installation d’une des premières centrales nucléaires en 1963, cette ville vit au rythme de l’ouverture et du développement de nouvelles centrales.
Cette année verra une véritable révolution avec l’entrée en service d’un réacteur VVER 1200, le premier réacteur nucléaire au monde réalisé avec les contraintes de sécurité post-Fukushima.
Selon son ingénieur en chef, Vladimir Zarubaïev, la structure du dôme de protection a la capacité de résister à un séisme majeur, à un incendie, à des inondations et même au crash d’un avion. Le complexe dispose de sécurités passives et actives redondantes et a une capacité de production d’électricité de 1200Mw.
In El Watan
http://www.elwatan.com/actualite/nucleaire-l-algerie-a-la-traine-17-06-2016-323246_109.php
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